mardi 4 juin 2013

Saigon: Une saturation sensorielle

Nous arrivons à Saigon en plein jours fériés et comme l’indique les affiches placardées un peu partout dans la ville, c’est la fête de l’indépendance. La ville nous semble en ce jour plutôt calme et décontractée, car ce long week-end férié est l’occasion pour les locaux de se reposer et de rester chez eux
 
 
Ainsi, la ville connait une sorte d’accalmie pendant quelques jours et ce n’est qu’une fois les festivités terminées qu’elle reprend son vrai visage, celui d’une ville boulimique et frénétique dans laquelle tous le monde se mélange et se bouscule dans un brouhaha infernal. Saigon est une fourmilière encombrée et tonitruante dans laquelle tous nos sens explosent.
 
 
La première chose qui frappe c’est le bruit. Saigon est une ville qui a de la voix et ses habitants y sont pour beaucoup. Outre les innombrables et parfois lassantes interpellations que les moto-taxis et les vendeurs de rue réservent aux touristes, les vietnamiens en eux même sont bruyants. Ils causent, ils rient et débattent beaucoup. On les sent généralement bon-vivants et ils aiment à se retrouver sur le bord de la route, autour de leurs mini-table, à manger un pho, à boire un café glacé et à jouer aux cartes ou aux dames. On les rencontre aussi beaucoup dans les parcs municipaux à s’amuser devant un match de badminton ou de "foot-volley". Les enfants et écoliers ne sont pas plus sages et ils sont partout, jouant et criant à tue-tête, sans se soucier de ce qui les entoure. Tout ce petit monde est bien affairé et ça procure à la ville une surprenante énergie.
 
 

 


Ceci dit, le fait que les gens parlent fort n’est pas si étonnant que ça : Il faut du coffre pour couvrir le bruit des scooters et des mobylettes. Les deux-roues sont partout. Montés du cavalier solitaire à la famille complète, ils jaillissant de tous les cotés et de tous les sens. Le code de la route n’a pas vraiment de sens ici et seules les grandes avenues semblent avoir assez d’autorité pour imposer un minimum de règles à cet essaim bourdonnant. Malheureusement celles-ci n’ont pas encore assez de pouvoir pour les empêcher de klaxonner toutes les deux secondes. Dans toute la ville, ça communique à grands coups de trompette au point que ça en devient fatiguant. De même, chaque feu-tricolore ressemble à un départ de grands-prix au devant duquel s’entassent tous ces engins,  alors prêts à bondir sur le dernier piéton qui s'est risqué à traverser la rue tardivement. Et quand ils n’envahissent pas la route, ils squattent les trottoirs. Garés n’importe comment aux pieds des immeubles, ils ne laissant souvent qu’un accès réduit aux portes des boutiques, hôtels et restaurants. Ici, le deux-roues est roi… et gare au piéton !
 
 

Mais peut être plus encore que le bruit, ce sont les odeurs qui accaparent l’esprit. A Saigon, on cuisine dans la rue, souvent à même le sol, si bien que ça sent la soupe et la viande un peu partout. Aux abords des marchés, les saveurs explosent et à coté des épices et herbes aromatiques, les étales de fruits et les légumes frais libèrent peu à peu leurs senteurs tandis que, plus loins, les effluves de poisson s’évertuent à gâcher la magie du moment. Tout est comme ça, en nuances et en contradictions. Et il en va de même pour leur cuisine où la viande et les légumes subtilement préparés s’agrémentent en général d’une sauce de poisson aux relents nauséabonds. Seules les grandes artères font l’unanimité. Par force ou par choix, il n’y a pas de cuisine de rue le long des boulevards principaux, seulement des restaurants. Du coup dehors ça sent les gaz d’échappement. On se rend alors compte que les petites rues aux senteurs exotiques sont tout de même plus sympathiques même si certains parfums, alors accentués par la chaleur, ne sont pas vraiment à notre goût.
 
 
Visuellement, on ne peut pas dire que Saigon soit une jolie ville. Contrairement à Bangkok, elle n’est pas en chantier permanent et elle semble plutôt figée dans son développement. Il y a peu de grandes et pompeuses tours de verre. La plupart des immeubles sont étroits, hauts d’une petite dizaine d’étages et collés les uns aux autres. Beaucoup sont de style Art-Nouveaux, typique des années 30, mais certains, plus modernes, adoptent une architecture plus brute et un peu plus austère. Seuls les anciens bâtiments coloniaux et les centres commerciaux ultramodernes semblent jouir d’une certaine liberté et d’un certain espace. Ainsi, la ville se distingue par ses deux types de rues. D’un coté il y a les grands boulevards à l’européenne, ombragées et bordées de galeries commerciales qui débouchent sur de grands monuments à la française. Et de l’autre, les ruelles populaires, plus étriquées, au devant desquelles s’élèvent de vieux immeubles en béton bardés d’installations électriques labyrinthiques. Dans tout cela, ce qui manque le plus, ce sont les couleurs. Tout semble gris et le vert des jardins, le rouge des affiches et les néons scintillants des vitrines ne suffisent pas à faire vibrer les façades ternes et décrépie des vieilles bâtisses.
 

Comme pour compenser ce manque d’éclat, les temples sont à l’inverse colorés et surchargés. On ressent parfaitement les influences chinoises dans l’architecture et les motifs décoratifs des bâtiments. De même à l’intérieur, les Bouddhas paraissent moins solennels qu’en Thaïlande et ils sont souvent accompagnés de génies ou de divinités étranges issus de l’hindouisme, du confucianisme ou du taôisme. Les ex-voto vivants à l'image des tortues peinturlurées de la pagode de l'empereur de Jade rajoute à l'étrangeté des lieux. Il résulte de tout ça un joyeux mélange vif et coloré qui vacille entre le kitch et le zen !
 


 
Saigon n’est pas une ville accessible. Son charme est intérieur et il faut casser plusieurs carapaces pour l’apprécier. Cependant, même si l’on arrive à cela, il reste difficile de faire abstraction des stigmates que les années de guerre et d’isolement ont laissé sur la population. La pauvreté reste très présente et beaucoup de gens vivent de peu. Il y a de tout à Saigon, du bon et du moins bon, et il faut d’abord accepter cela pour comprendre et apprécier la ville.
 

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