Après deux heures de train le long de splendides paysages
côtiers, nous arrivons dans la ville de Hué. Capitale impériale de l’empire
d’Annam (actuel Vietnam) entre 1802 et 1945, la cité, du moins son centre
historique, est devenue un véritable musée à ciel ouvert. Le long des eaux
troubles de la rivière des parfums, se dressent les murailles de la citadelle que l'on traverse par d’étroites portes
pauvrement ornées. Il est 13h quand nous arrivons dans la vieille ville. Il fait une chaleur de plomb et seuls les velo-taxis et les marchandes de fruits hantent encore les avenues. Nous traversons alors quelques petites rues bordées de vieilles maisons un peu délabrées et arrivons au pied de l’enceinte du palais. L’entrée se fait par un superbe portique de bois, sur deux niveaux, mais dont la partie supérieure est malheureusement masquée sous des échafaudages.
Dans l’axe de la porte, se dresse le palais impérial. La
grande bâtisse s’exhibe fièrement au devant d’une grande cour rectangulaire
précédée de petits bassins recouverts de lotus et nénuphars. L’architecture du
bâtiment reprend les formes traditionnelles vietnamiennes, en plus
grand et plus orné. Les piliers de pierres sculptés de dragons volants dans les
nuages supportent la grande toiture incurvée et ornée de dragons sur le faîtage.
Au dessous, dans l’ombre, une série de paravents rouges entre-ouverts laissent
apercevoir les dorures de la salle du trône. Les proportions sont parfaites et le rouge
du bois, le blanc des colonnades et l’orange des tuiles luisantes au soleil
s’harmonisent tout à fait. La sensation d’ordre qui règne ici trahie les
exigences protocolaires du souverain et l’on se représente assez bien les
scènes de vie impériales, avec les gardes postés un peu partout, les courtisans
et autres quémandeurs patientant dans la cour que l’empereur, assis sur son
trône et entouré de ses mandarins, leur donne audience.
Derrière, une série de splendides arcades en bois encadre un
terrain vague qui, à l’époque, devait accueillir un autre complexe architectural.
La citadelle a beaucoup souffert de la révolution de 1945 et un grand nombre de
bâtiments ont été détruits ou détériorés à cette époque. Quelques constructions
ont été restaurées depuis et les valeurs historiques et architecturales de ces
dernières ont encouragé le classement du site au patrimoine mondial de l’Unesco.
Ainsi, beaucoup de personnes travaillent
à l’entretient et à l’embellissement des lieux. Mais à l’heure actuelle
beaucoup de choses restent à faire et le site se composent alternativement
d’aires bâties superbement restaurées, de ruines à l’abandon et de zone de chantier.
Tout ceci procure une étrange sensation, ici, tout ce qui reste encore debout semble vidé de son âme. On apprécie les formes et les couleurs des portes aux décors de porcelaine brisées, les pavillons aux tuiles scintillantes et les temples enfumés par l’encens tout en sachant que leur raison d’être a irrémédiablement disparue. Tout semble figé. Plus personnes ne vit dans cette enceinte et ces superbes bâtisses qui autrefois accueillaient les empereurs, leurs familles, leurs concubines et toutes leurs cours ne brillent plus que pour les touristes. Il n’y a même pas de petits marchands ambulants pour donner un peu de vie à l’ensemble. Seulement des touristes et des ouvriers qui s’acharnent à maintenir en vie des lieux qui n’ont plus vraiment de destinée…
Les alentours d’Hué regorgent aussi de trésors. Une fois
mort, les empereurs se faisaient enterrés avec une partie de leur trésor, au
milieu de complexes complètement symboliques que l’on appelle tombeaux sans que ça en soit
vraiment. En fait les tombeaux traditionnels des empereurs consistent en un
vaste jardin clos, composé de bassins, de rivière et de buttes recréant
symboliquement leur empire, au milieu duquel s’alignent une série de
construction, tout aussi allégorique. En premier lieu, nous trouvons un
portique, richement décoré, ouvrant sur une esplanade habitées de
statues de mandarins, de chevaux et d’éléphants. Devant cette cour, se dresse
généralement la stèle funéraire du souverain, gravée de sa biographie. Quelques
jardins plus loin, on trouve toujours un temple dédié à la mémoire de
l’empereur et de sa famille, et enfin, encore plus loin, on découvre la maison
des concubines, qui avaient obligation de rester là trois ans pour honorer la
mémoire du maitre des lieux, avant de pouvoir rentrer chez elle. Certain de ces
complexes, avant leur usage funèbre, pouvaient aussi servir de résidences secondaires pour la famille impériale au
point de devenir de véritable petits villages remplis de pavillons, de temple
et de petits bâtiments en tout genre. La tombe à proprement dit de l’empereur
se trouve quelque part dans tout ça, mais personne ne sait réellement où
exactement, le lieu en étant tenu secret... Un bon moyen de se préserver des pillages !
Les styles architecturaux et les matériaux de constructions changent en fonction des époques, certains empereurs, influencés par le style français, préférant le béton aux constructions de briques et de bois traditionnelles. Quoi qu’il en soit les sous bois ombragé, parcouru de douces rivières sont tout à fait charmant à traverser et participe à l’atmosphère de paix et de sérénité qui règnent dans ces « tombeaux ».
On retrouve aussi le même type d’ambiance dans la pagode Thien
Mu. La pagode n’a rien de particulier en soi si ce n’est sa grande tour
octogonale et sa vue sur le fleuve et la campagne environnante. Même si ce
n’est probablement pas le chef d’œuvre de Hué, c’est tout de même un lieu plein
de charme.
Le reste de la ville est à l’image des autres villes du pays ; encombrée, bruyante et pleine de vie. Il y a toujours quelqu’un prêt à discuter avec vous et si ce ne sont pas les touristes, ce sont les jeunes étudiants qui essaient d’améliorer leur anglais ou une expatriée anglaise qui cherche de la compagnie pour boire son thé. Il est parfois dur de trouver un peu de calme dans tout ça, mais après tout, ça fait aussi partie du charme du pays. Et il reste toujours la ballade au bord du fleuve, à la tombée de la nuit, pour se retrouver.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire